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Si les Viets rassemblent six compagnies pour nous tomber dessus, nous courons à la catastrophe et au massacre, constata M. Schüterli. Le directeur de la plantation de Ben-Tui, la plus grande d’Indochine, deux millions d’hévéas encerclés par la forêt, dans une boucle de la rivière de Saigon, se demande, avec une angoisse justifiée par les renseignements, si les troupes françaises stationnées sur son domaine seraient assez fortes pour soutenir l’assaut ennemi. Pourtant, l’escadron de Spahis du capitaine Meneur, et la compagnie de coloniale implantée dans le quartier, donnent tous les jours des preuves de leur courage. Raids en forêt, patrouilles, opérations, affirment, malgré les fatigues et les pertes, que l’armée ne laissera pas détruire la plantation de Ben-Tui, où les civils français et vietnamiens ont retrouvé le goût de vivre et de travailler. Dans cet univers isolé, à cent kilomètres de Saigon, la tragédie va se cristalliser sur la route noyée, dans la forêt hostile. Deux bataillons viet-minhs attaquent le maigre convoi qui dessert Ben-Tui. Les Spahis de Meneur, et les Cambodgiens de Varidon et de Simoni, vont tenter désespérément, au cours de combats meurtriers à un contre six, d’anéantir l’ennemi. Les blindés, aux noms de dieux et de déesses, agonisent sous les assauts et meurent dans les explosions de mines. Les passagers civils de l’autocar chinois brûlent en même temps que les camions chargés de caoutchouc. Quelques hommes et femmes se battent avec la même fureur que les soldats. Du capitaine Meneur, insensible et pourtant passionné, de ses lieutenants, Gallien le fonceur, Bélardent, aristocrate et généreux, Lesire le néophyte au caractère affirmé, qui reviendra vivant de cet enfer pour enterrer les morts dans le cimetière de la plantation, sous la garde des hévéas ? Mais la survie de la plus belle réalisation forestière des Français d’Indochine ne justifie-t-elle pas, aux yeux des combattants, les plus douloureux sacrifices ?