Ce livre traite de l’histoire de l’Espagne au 19è siècle.
Au sein de ce peuple qui fit tant de grandes choses, et qu’on devine capable d’en réaliser encore tant d’autres, si une idée puissante le saisissait comme en 1808, pas un homme ne s’élève avec quelque autorité, pas une institution ne se présente avec quelque force et quelque prestige. Il y a là des généraux expérimentés, d’harmonieux discoureurs, des ministres de lumières et d’expédients ; mais ni généraux ni hommes politiques ne peuvent rien, et leurs vainqueurs ne peuvent guère plus qu’eux-mêmes. Tout avorte, et la guerre civile qui se maintient sans s’étendre, et le jacobinisme qui, après s’être vautré dans le sang, se lave les mains pour paraître aux galas de la cour, et associe aux vieilles déclamations des clubs des hommages à la reine idolâtrée et à l’innocente Isabelle. Don Carlos ne franchit pas ses montagnes dans les circonstances les plus favorables que prétendant ait jamais rêvées, mais le mouvement ne semble pas plus appelé à en finir avec lui que la résistance. On dirait que l’Espagne, assez vivante pour ressentir toutes les douleurs à la fois, n’a plus assez de force pour se défendre contre aucune d’elles...
La Providence a fait subir à l’Espagne une épreuve que le pouvoir n’a nulle part traversée avec autant de danger : ce pays a passé, en moins d’un demi-siècle, des jours de honte où un vieux monarque livrait à son favori l’honneur de sa couche et celui de la nation, aux humiliantes alternatives de ce règne d’égoïsme et d’imprévoyance, qui fut toujours facile devant la force, inexorable devant la faiblesse ; comme si le prince dont la royauté sortit d’une révolution de palais pour s’abîmer dans une autre, n’avait eu rien dans les veines ni du doux sang de saint Louis, ni du noble sang de Louis XIV.