«L'essence du christianisme a frappé d'un "coup de tonnerre" philosophique le monde des intellectuels révolutionnaires "jeunes-hégéliens" allemands : "Nous fûmes tous feuerbachiens" (Engels). L'intervention de Feuerbach marque un tournant décisif dans la formation de la pensée de Marx. Marx a "épousé" la pensée de Feuerbach pendant des années. Il a dû passer par Feuerbach pour devenir Marx. Il est devenu Marx en se séparant de Feuerbach. L'essence du christianisme n'a rien perdu de sa force révélatrice. Les philosophes seront frappés de découvrir dans ce livre des problèmes, des principes, des formules et des catégories philosophiques qui sont au cœur même de la pensée contemporaine. L'essence du christianisme a été le miroir et la solution provisoire de la crise des philosophes jeunes-hégéliens dans les années 1841-1845.
On constatera avec quelle étonnante profondeur Feuerbach annonce et devance, à un titre ou un autre, par contraste ou parenté, Marx, Nietzsche, Freud, Husserl, certains thèmes de Heidegger, Barth et la théologie récente, etc.
L'essence du christianisme est, aujourd'hui encore, un ouvrage scandaleux. Car il porte sur la religion chrétienne et divise les hommes. Il oblige à se prononcer sur ce qui est sans doute la question cruciale de la philosophie contemporaine : pour une philosophie religieuse, OU pour une philosophie consciemment et rigoureusement antireligieuse.»
Louis Althusser, 1968.