L'État entre théologie et technologie
La formule de Hobbes est bien connue, selon laquelle l'Etat est un Dieu mortel. Cette formule lapidaire signifie que si l'Etat bénéficie de certains attributs de la divinité, comme la puissance matérielle, il n'en revêt cependant pas la perfection, et en particulier l'éternité. L'Etat apparaît de la sorte comme un Dieu imparfait, une imitation approximative et dégradée. C'est dire qu'avant d'être une réalité l'Etat est un concept, à savoir le produit d'un imaginaire humain.
On peut ainsi parler de l'Etat comme d'un concept à effet concret. La fonction de ce concept est double. Le concept d'Etat vise d'abord à fonder un ordre de légitimité. Il est l'un des fondements de la hiérarchie au sein de la société. Le concept d'Etat revêt, par ailleurs, une fonction d'organisation. Il a pour objet, en d'autres termes, d'instituer une manière d'ingénierie sociale.
Tel est le concept d'Etat, porteur tout à la fois d'une fonction théologique de légitimation et d'une rationalité technologique. La société contemporaine se caractérise par l'exacerbation du caractère technologique de l'Etat. C'est cela qui nous fait oublier son héritage théologique. A travers une approche généalogique du concept d'Etat, l'auteur veut mettre en avant la « pseudo-modernité » de l'Etat contemporain. Celui-ci se révèle ainsi, en dernière analyse, comme la forme modernisée de techniques archaïques d'organisation humaine.