Depuis trente ans, le culte du marché a
dominé le discours politique. État modeste,
impôts limités, déréglementation et libre-échange
sont devenus les maîtres mots de ce
dogme dont le succès fut tel qu'il a fini par faire
de plus en plus d'apôtres au sein de la gauche.
Or, à l'aube du XXIe siècle, nous assistons en
Amérique à un drôle de chassé-croisé idéologique.
Au moment où la gauche moderne a presque
achevé sa conversion au marché libre, la droite
conservatrice a définitivement abandonné cette
idée. Galbraith montre comment, des années
Reagan aux années Bush, la droite au pouvoir a
transformé les États-Unis en république-entreprise
où l'économie n'est pas régie par les marchés
mais par une coalition de puissants lobbies
industriels. Ces derniers sont soutenus par un État
prédateur qui, loin de limiter l'emprise du
gouvernement sur l'économie, entend bien au
contraire l'approfondir pour détourner l'action et
les fonds publics au profit d'intérêts privés. Si le
discours officiel est resté libéral, c'est précisément
pour masquer cette forme perverse d'étatisme. La
nouvelle gauche libérale s'est laissé contaminer
par le culte du marché libre qui n'a jamais été
qu'un mythe instrumentalisé par ses promoteurs.
Elle serait bien inspirée de se désintoxiquer et de
comprendre enfin que les marchés n'apporteront
aucune solution à la crise contemporaine, à la
pauvreté, aux inégalités, à la crise écologique,
tous ces défis qui appellent au contraire la planification,
le contrôle public de la répartition des
revenus et du financement de l'économie.