L'Étranglée
« Je me demande si vous avez besoin de vos lecteurs ? Recevez-vous des lettres de prostituées, de bourgeoises, de meurtriers en puissance, de femmes agressées, de filles qui ont échappé au triste sort de votre héroïne ? Ou bien vous suffit-il de mijoter dans votre sombre fait divers, d'imiter devant votre glace le geste de l'étrangleur, de rêver devant la vitrine d'un bijoutier pour décrire l'orient des perles ? Où est votre vraie vie ? Dans votre vie quotidienne que j'ignore ou dans celle de l'assassin avec le récit achevé, publié, qui circule à présent - je vous le souhaite - chez les libraires ?
Je sens que ma lettre sera longue : j'avoue qu'elle me sert à préparer nos retrouvailles. J'aurai lu votre roman, vous aurez lu ma lettre ; nous serons à égalité. Et puis je vous ai prévenu, je suis votre lectrice mais vous devenez mon lecteur. »