L'être décomposé
Critique de l'ontologie du fini
Ne pouvons-nous qu'aimer le fini ? Dans l'appropriation, nous croyons faire l'épreuve véritable du réel. L'« amour de la propriété » est-il devenu notre inéluctable destin ? Jusqu'à présent, l'amour du fini a seul énoncé « l'être ». Nous savons maintenant les conséquences désastreuses de sa domination sur la pensée. Pour autant, rien n'en a rompu le règne. Il s'est déplacé et métamorphosé, mais en ses formes diverses, il asservit toujours la philosophie. Est-il inéluctable que celle-ci accueille et réitère encore l'absurde croyance à la « nature » ? La puissance de cette fiction ne saurait s'imposer sans fin.
Qu'est la philosophie si ce n'est l'aspiration à l'exercice sans restriction de la pensée ? Par quoi se reconnaît-elle requise ? Par la production effective de son extension. Mais celle-ci bute d'abord sur la restriction que nous lui imposons : celle de notre appropriation. Ce n'est qu'en se délivrant d'elle et de la « métaphysique », le paradoxal produit de l'amour du fini, que la pensée recouvrera sa puissance.
À quoi la philosophie oeuvre-t-elle donc ? Dans l'exigence d'un radical anti-humanisme, à l'abolition principielle et générale de l'entrave qu'est l'amour du fini. C'est à cette première destruction, celle de la métaphysique - avant celle de la « personnalité », puis de la « nature » - que se consacre ce volume.