Lettres
1904-1937
Voici sans doute la dernière des grandes correspondances de Freud.
Eugen Bleuler - l'inventeur du concept de schizophrénie, et d'autisme dans
un autre sens que celui d'aujourd'hui - est le premier psychiatre universitaire
à prendre au sérieux les thèses freudiennes, en les important dans la théorie
et au Burghölzli, clinique psychiatrique de Zurich, qu'il dirige (où se forment Cari G. Jung, Max Eitingon, Karl Abraham, Abraham Brill, Ludwig
Binswanger). Là, ensemble, chaque matin, les médecins analysent avec enthousiasme leurs rêves de la nuit - et, au vu de ce qu'ils y découvrent, ils interdisent
à leurs épouses d'en faire autant...
Bleuler fait une « psychanalyse » par lettres, avec Freud, et non sans résistance : il croit à l'expérimentation, veut des preuves, a du mal avec ses rêves,
n'aime guère la sexualité, surtout inconsciente. Rien ne le prédispose à suivre
la découverte freudienne, sinon son honnêteté intellectuelle et sa passion de
soignant.
Freud, de son côté, souhaite introduire la psychanalyse dans le champ de la '
psychiatrie et, parallèlement, la sortir de Vienne : Zurich deviendra le centre
mondial de la psychanalyse, à la fois universitaire et clinique, jusqu'à la rupture
avec Jung en 1912-1913.
À l'arrière-plan de ces lettres et de leurs visées divergentes, se dessine l'histoire conflictuelle du mouvement analytique - création de l'Association psychanalytique internationale, dissension avec Jung, séparation de Freud et de
l'école dite de Zurich.
L'échange dure trente-trois ans, et il est plus étroit et vif que ce que l'on savait,
entre deux hommes droits, passionnés, qui ont de fortes divergences. Au coeur
du désaccord, le rapport ambigu que la psychiatrie entretient déjà avec l'analyse.