À Pontigny, Roger Martin du Gard rencontre un jeune homme de dix-neuf ans, Jean Tardieu. Un échange épistolaire commence en 1923, qui va se pour suivre jusqu'à la mort de RMG, en 1958. Ce sont ainsi 177 lettres, cartes postales et billets qui ont été heureusement conservés et que nous pouvons lire sous forme de correspondance croisée.
Un des mérites de cette correspondance, dont le sujet principal reste la littérature, est d'éclairer de lueurs nombreuses et nouvelles la naissance de l'oeuvre de Jean Tardieu. C'est dans la différence entre les deux hommes, entre deux tempéraments, entre des partis pris esthétiques, que se construit l'échange. C'est aussi dans l'estime et l'affection.
«Vous êtes en effet ma vraie famille», écrit Jean Tardieu à RMG le 22 juillet 1932; le dialogue entre l'écrivain d'expérience et le jeune homme encore tâtonnant a été décisif pour la vocation littéraire de ce dernier. Cette correspondance se lit à la fois pour ce qu'elle pourrait être, un Bildungsroman, un «roman de formation», et comme un véritable dialogue de théâtre, avec son jeu de questions et de réponses, ses mises en scène, son suspense, sa drôlerie, son pathétique: trente-cinq ans de deux vies - exceptionnelles - croisées.