L'idée de publier les lettres circulaires expédiées à mes proches depuis mon arrivée en Afrique du Sud est née d'une conversation avec Baudouin Decharneux, professeur à l'université de Bruxelles et éditeur. Un tel projet me paraissait incongru. Ces lettres, adressées à mes parents, amis et collègues en Europe, une centaine de personnes au total, n'étaient pas destinées à la publication. Elles abordaient l'actualité récente en Afrique du Sud, mon pays d'adoption, mais elles évoquaient aussi des événements personnels. Fallait-il porter tout cela sur la place publique ?
Deux raisons m'ont poussé à accepter, malgré cette résistance, le principe d'une publication. La première est l'utilité de conserver pour le bénéfice des historiens du futur le témoignage d'un observateur de la réalité sud-africaine lors d'une des périodes les plus riches de son histoire. Les lettres qui sont présentées dans ce volume n'ont pas été retouchées sinon pour corriger des erreurs de syntaxe ou des fautes typographiques et il arrive que des informations soient répétées d'une lettre à l'autre. On y lit ce qu'un frère dominicain, enseignant à l'université et devenu, en 2002, père adoptif de plusieurs enfants, a vu et entendu dans une ville moyenne du KwaZulu-Natal pendant vingt ans. C'est la chronique, année après année, des temps qui ont suivi l'ouverture des négociations constitutionnelles par le gouvernement de l'apartheid et la libération de Nelson Mandela.