Dans le tumulte des blocks, des barackes et des stubes, sa survie s'organise : simulacres de distractions, attente des colis de vivres et de livres ; lectures et conférences ; notes et écriture de Voie de garage ; échange incertain, sous le regard des censeurs du camp, de lettres, «si brèves, si peu intimes» avec sa femme... Mais la fin du cauchemar est toujours remise à plus tard : «Les heures passent comme elles peuvent, avec, quelquefois (c'est le cas aujourd'hui), un orage sur la popote. Les passions s'exaltent et retombent. Ca fait un peu de variété. Ah ! sortir de ce marais de sottise, d'aigreur, de petitesse ! Comme je rêve dans mes nuits de 12 heures (moitié sommeil, moitié veille) au temps où nous reconstituerons notre paradis perdu - où je me décrasserai de tout ça.»
Ces 228 Lettres de Georges Hyvernaud forment le contrepoint, empreint d'un humour désolé, de ses impitoyables Carnets d'oflag (1987). Mais elles livrent également un témoignage historique, d'un réalisme rare, sur la vie quotidienne dans les camps d'officiers... De ces années perdues, Georges Hyvernaud parviendra à sauver - outre ses Carnets et ses lettres - le manuscrit de son premier récit publié après-guerre, La Peau et les Os (1949), que Raymond Guérin préfacera. Le deuxième, Le Wagon à vaches paraît en 1953 dans la même indifférence, sinon l'hostilité. Lettre anonyme, resté inachevé, ne sera publié qu'après sa mort survenue en 1983...