Confronter les interprétations que donnent plusieurs philosophes
modernes de la Bible fait apparaître une inadéquation de leur méthode,
même lorsque leurs intentions ne sont pas d'emblée commandées par une
volonté critique. Leo Strauss, Hermann Cohen, Walter Benjamin, Paul
Ricoeur se livrent à des exégèses très élaborées, mais soit le philosophe
prend le pas sur l'herméneute, soit le sens du texte interprété semble déjà
arrêté avant même son interprétation. Bible et philosophie appartiennent
sans doute à deux traditions concurrentes ; or elles sont nées d'un même
tournant de la culture où le statut du mythe a été mis en cause grâce à la
promotion d'une autre manière de comprendre le langage. La question
principale est donc d'abord celle de la méthode, et ce problème est bien
d'ordre philosophique. Par ailleurs, le tournant opéré par la Bible, à la
différence de la révolution philosophique, forge une conception nouvelle,
toujours contemporaine, d'une histoire qui n'est ni cyclique ni déterminée
par un destin ou par des lois. Ces lectures ouvrent ainsi sur un parcours
qui cherche à faire ressortir, à travers l'élaboration des «préceptes et des
sentences», toute la richesse de la dimension symbolique.