Rien de polaire ni même de géographique dans cette «expédition» au nom parfaitement arbitraire entreprise en imagination par une jeune femme enceinte et son arrière-grand-mère, également soucieuses de donner à l'enfant qui va naître une généalogie qui ait un sens.
Remontant le temps, bousculant les époques, les deux complices reconstituent ou inventent l'histoire de leur lignée féminine. La chronique simultanée d'une société menaçant ruine et d'une grossesse nous apprend qu'on peut être la sœur de sa propre fille, le fils de trois pères et d'une sexagénaire, mais aussi procréer des enfants dont on est tantôt le père, tantôt la mère.
Sorcières, cuisinières, fausses ingénues et amantes délurées se moquent là du temps, des hommes et des téléviseurs, conviant lecteurs et lectrices à un festin de tous les sens dont le féminisme jubilatoire est ravageur. Cette expédition fantastique, réglée sur le calendrier précis des existences féminines, met au jour les refoulements de la psychologie individuelle tout en dénonçant les déficits de notre mémoire collective.
Foisonnante, originale et tendre, la fable trouve un langage nouveau pour traiter avec impertinence de la procréation et de son corollaire peut-être mineur qu'est la création.