Comment transformer les définitions communes de la justice
sociale afin qu'elles puissent rendre compte des formes aujourd'hui
les plus caractéristiques de l'injustice sociale ? Comment
leur faire rendre compte des souffrances de «ceux qui ont trop à dire
pour pouvoir le dire» ? Telles sont les questions auxquelles ce livre se
propose de répondre. Dans une démarche originale, Emmanuel Renault
reprend et élargit la théorie de la reconnaissance élaborée par le philosophe
allemand Axel Honneth, afin de proposer une grammaire des luttes
sociales mais aussi une grille d'analyse des injustices que ces luttes prennent
rarement en charge. C'est par la reconnaissance que les autres et la
société lui accordent que chacun peut bénéficier des conditions substantielles
d'une vie digne d'être vécue. Inversement, les dénis de reconnaissance
sont à l'origine de souffrances sociales et psychiques majeures.
Dans cette perspective, l'auteur procède à un examen critique des théories
contemporaines qui structurent notre pensée politique et sociale, proposées
par J. Rawls, J. Habermas, M. Walzer et C. Taylor, P. Bourdieu,
T. Negri, etc. S'appuyant sur les travaux de la sociologie et la psychologie
sociale qui analysent les mouvements sociaux, les restructurations
du travail ou les souffrances engendrées par la précarisation ou par
l'exclusion, il tente d'élaborer une théorie globale permettant d'éclairer
la multiplicité des phénomènes étudiés.
Ce livre soutient que la philosophie doit prendre l'injustice au sérieux,
car c'est en elle que se déterminent les enjeux des discours sur la justice.
Il propose ainsi une philosophie assumant sa dimension politique, reconnaissant
qu'elle se meut à l'intérieur du monde réel et non simplement
dans le ciel des idées. Il offre un argumentaire global au service de ceux
qui font l'expérience quotidienne de l'injustice et sont en conséquence
intéressés à la transformation de l'ordre social existant.