Est-il encore nécessaire d'étudier le « sujet lecteur » ? De fait, du
point de vue de l'enseignement de la lecture, le recours à cette notion
a été salutaire dès la toute fin des années 1990, car il a permis enfin de
dépasser le moule de la lecture-modèle, programmée, performante,
désincarnée de contingences, et de reconnaître que le travail du lecteur
empirique participe de la signifiance des oeuvres. Ainsi, depuis
le colloque de Rennes de 2004, de nombreux travaux individuels et
collectifs ont permis de préciser cette notion. Sa prise en compte
dans les classes de littérature, de l'école primaire au lycée, peut passer
pour acquise et encouragée par l'institution. Cependant la notion
même de sujet est complexe et l'« intranquillité didactique » que produit
la mise en oeuvre, dans les classes, des activités qui lui sont liées
mérite une poursuite des travaux.
Issus du colloque organisé à Grenoble en juin 2012 sur « le sujet
lecteur-scripteur, de l'école à l'université : postures et outils pour
des lecteurs divers et singuliers », les dix articles réunis dans ce
numéro permettent d'aborder différents genres littéraires, ainsi que
des niveaux scolaires variés du point de vue de la réception par
des sujets en formation. L'accent porte sur l'articulation nécessaire
entre théorie littéraire et vécu subjectif, pour aboutir à la notion
d'expérience esthétique. Redéfinie et resituée dans des perspectives
didactiques, l'expérience esthétique ne constitue-t-elle pas, en effet,
une des visées précieuses de l'enseignement des littératures ?