Qui est donc Milda Bulle ? Bien oubliée, elle fut pourtant une des figures exceptionnelles de la révolution russe et des débuts du régime soviétique. Partie d'un hameau de Courlande, en Lettonie, devenue militante puis combattante, armes à la main, lors de la guerre civile dans le Caucase, passée par l'Iran pour y enfiévrer une révolution, gradée (avec le titre de kombrig, équivalent à général de brigade), décorée, apparatchik dans les organes du pouvoir à Moscou, féministe, oratrice, auteure d'ouvrages de propagande, promotrice de la culture, de deux théâtres et d'un opéra, dans la République de Bachkirie, Milda fut, en 1938, victime des purges staliniennes.
Pourquoi donc s'intéresser à Milda, pasionaria rouge ? Son histoire, fascinante par bien des aspects, ne s'inscrit pas dans la lignée des récits biographiques habituels. Elle n'est pas une femme célèbre, ancrée dans la mémoire de ses « pays » et descendants, dont les exploits ou les recoins de la vie personnelle ont laissé de nombreux témoignages et des traces encore visibles. Il ne s'agit pas non plus d'une de ces anonymes, à l'existence banale, dont le parcours sans relief révèle ou reflète l'air du temps, un quotidien toujours si difficile à saisir. S'agirait-il alors d'un personnage émouvant dont on pourrait suivre avec empathie les accidents de l'existence ?
La vie tumultueuse de Milda suscite des sentiments contradictoires : admiration pour ses engagements au seuil de la vie adulte, compassion pour sa fin tragique mais aussi aversion pour sa docilité et son allégeance au pouvoir soviétique. Sa destinée hors du commun porte la marque des soubresauts de l'histoire.