Nourris et logés par la nature, les animaux, les plantes, sont aussi par elle confortablement vêtus, équipés de couvertures suffisantes : plumes ou laine, écorces ou coquilles, elle leur a tout donné. Seul, sous le ciel, l’homme est nu ; il ne trouve en venant au monde ni le vivre, ni le gîte, ni le couvert. Il a dû emprunter à de plus favorisés que lui, pour se cacher sous leurs dépouilles, le poil et le cuir, la soie et le coton...
L’habillement introduit parmi nous un peu de beauté, de charme et, à tout le moins, de mystère. Mystère non point insondable, à dire vrai, ce qui est un grand mérite. Pour des êtres placés, comme nous sommes, entre ce qu’ils connaissent trop et ce qu’ils ne peuvent du tout connaître, c’est donner de l’intérêt à la vie que de savoir créer des mystères pour les débrouiller, des boîtes à surprises pour le plaisir de les ouvrir, des joujoux compliqués pour en pénétrer les ressorts. Cacher ce qui se devine, imaginer ce qui se cache, apercevoir enfin ce qu’on imagine, sont de si sages raffinements de la sensualité visuelle qu’on n’inaugure jamais une statue sur nos places publiques sans la vêtir au préalable de quelque lustrine, dont l’enlèvement fait tout le piquant de la cérémonie ; tellement le voile toujours justifie son existence par l’attrait que chacun éprouve à le soulever.