En mettant en scène une société de conteurs-devisants, l'Heptaméron est, de tous les recueils de nouvelles français qui s'inscrivent dans la lignée du Décaméron, le plus proche de son modèle. Il en diffère cependant notablement et constitue une oeuvre éminemment singulière dans son genre. Du fait, d'abord, qu'elle se donne comme issue d'un débat liminaire qui l'inscrit dans une perspective spirituelle. En raison, ensuite et surtout, du rôle central, unique dans le genre, dévolu aux dialogues, pivot dynamique de l'oeuvre porteur de tous les grands thèmes qui sont au coeur de l'oeuvre poétique et dramaturgique de Marguerite. Sous des dehors plus enjoués, l'Heptaméron est en effet habité par la même quête de la Vérité que celle qui sous-tend l'ensemble de l'oeuvre de Marguerite. Mais elle y est plus complexe et plus
problématique, devant se frayer une voie dans les replis obscurs des âmes - celles des personnages que les nouvelles mettent en scène - et confiée à un groupe d'hommes et de femmes qui, n'ayant pas été « appelez au conseil privé de Dieu », sont voués à n'entrevoir la Vérité, selon le mot de Paul, que « dans un miroir et de façon confuse ».