La croissance du corpus biblique a été le lieu d'une intense et paradoxale activité de réécriture des textes anciens, reçus comme Parole de Dieu, et donc canoniquement clôturés. Si la révélation divine se fait «une fois pour toutes», des scribes ont pris sur eux d'inscrire le nouveau dans l'ancien, afin que l'antique parole scripturaire soutienne, encore et toujours, la vie du peuple.
Dans l'étude que voici, B.M. Levinson met en lumière les voies et moyens de cette entreprise d'imagination critique, qui anticipe et prépare celle de la tradition rabbinique. Il parcourt les étapes de la réécriture biblique d'un passage du Décalogue qui en vint à dire le contraire de ce qu'il disait, pour que soit théologiquement affirmée la doctrine de la responsabilité individuelle. L'essai se poursuit par une bibliographie commentée, qui établit la généalogie de la recherche contemporaine sur les formes d'exégèse intra-biblique.
Ainsi que l'écrit Jean-Louis Ska dans sa préface, «le lecteur sera fasciné par ce décodage qui ne se contente pas de souligner l'unité des textes comme se plaisent à faire les méthodes synchroniques ou de repérer les ruptures et les contradictions dans ces mêmes textes comme le préconisent les méthodes diachroniques classiques. La méthode illustrée dans ces pages cherche plutôt à montrer que, dans la Bible, le présent discute sans cesse avec le passé qu'il adapte, corrige et peut même contredire en prétendant le transmettre avec le plus grand respect.» Il y a ici de quoi éclairer notre modernité: «La Bible elle-même a introduit et développé cette lecture innovatrice dont nous sommes les lointains héritiers.»