Retrouver Wang Anyi, c'est retrouver ce regard désenchanté sur le monde, où l'ironie est une eau froide jetée sur les passions qui nous agitent, sur le feu qui palpite sous la cendre.
Cette fois-ci elle raconte la vie du frère de son père, qui était écrivain comme elle, et pour cela elle choisit trois moments, comme trois tableaux qui composeraient la peinture d'un homme.
Dans un petit village perdu, une jeune fille s'éprend de son maître d'école, un intellectuel « droitiste » réhabilité ; on le retrouve plus tard devenu écrivain connu et prenant sa revanche sur la vie de chien qu'il a menée pendant la Révolution culturelle ; avant que vienne le temps du drame et des désillusions.
Au moment où Wang Anyi écrit ce livre, un an après la tragédie de Tiananmen, elle n'a pas envie de faire preuve d'indulgence et porte un regard acéré sur toute une génération et aussi sur nous-mêmes, êtres humains. Nous sommes profondément égoïstes et terriblement fragiles, nous dit-elle. Seul l'imaginaire nous permet d'inventer un monde à notre mesure. Constat d'échec et suprême consolation, surtout pour une conteuse d'histoires.