Il n'est jamais bon pour un mortel de croiser le chemin d'un dieu. Actéon
devient cerf pour avoir offensé Artémis ; Arachné est transformée en
araignée pour avoir osé surpasser Athéna dans l'art du tissage. Les mythes
grecs, leurs récits et leurs représentations sont riches d'histoires horribles
et fascinantes, où intervient la métamorphose. Déguisement du dieu :
expert à se glisser dans l'enveloppe d'un mortel ou à s'exhiber sous les traits
d'un animal. Transformation brutale de l'homme ou de la femme : précipités
dans un état bestial, fondus dans le végétal ou figés dans la pierre.
Parcourir ces récits et ces images, c'est d'abord s'immerger dans l'imaginaire
grec, se laisser entraîner au plaisir de l'écoute et du regard, retrouver
le charme euphorisant de la rêverie créatrice des Anciens.
Mais cette exploration nous fait découvrir aussi quelques problématiques.
Les jeux croisés de la métamorphose et de l'hybridité servent à dire le statut
de l'être humain et sa place dans le monde. La mutation des corps ou leur
pétrification sont l'occasion d'une réflexion sur les ambiguïtés du regard, sur
les liens entre la mort, l'invisibilité et l'opacité de la pierre. La place des
femmes, si souvent victimes et actrices de métamorphoses, incite à mettre
en évidence leur rôle de tisseuses de récits, à la fois consommatrices, productrices
et reproductrices de mythes.
Françoise Frontisi-Ducroux, helléniste, est sous-directeur au Collège de
France et membre du centre Louis-Gernet (CNRS/EHESS).