L'Homme de cinq heures est une prodigieuse réflexion sur la modernité, la lecture et bien sûr l'écriture, alimentée non seulement par cette cascade de souvenirs et de lettres, mais aussi par un puissant flot d'idées, de couleurs, de sons et surtout d'émotions. Le Monde des Livres
Le fleuve tirait languissamment les dernières lueurs de cette fin d'après-midi d'automne et, là-haut, les nuages se livraient à d'étranges joutes avec le vent capricieux. Paul Béhaine songea à des tableaux impressionnistes, saluant mentalement l'Apollinaire, jadis flâneur des deux rives. L'esprit libre, il ne prêta attention au personnage qui s'approcha de lui que quand il entendit ces mots, plus chuchotés sur le mode de la confidence que proclamés :
–; Ne les écoutez pas ceux qui le disent et le répètent ! [...] On m'a fait dire qu'on ne pourrait plus commencer un roman par la marquise sortit à cinq heures'. [...] j'avoue que j'ai été agacé de lire dans le
Premier Manifeste du surréalisme que Breton m'avait attribué cette affirmation dont personne, au demeurant, n'a jamais pu vérifier la véracité. J'ai beau être le fantôme de moi-même, je sais encore ce que je dis et me souviens parfaitement de ce que je n'ai pas écrit. Malgré mon grand âge, le mécanisme de mon cerveau n'est pas grippé au point de ne plus pouvoir fonctionner.
–; Puis-je savoir qui vous êtes monsieur ? demanda Paul.
–; Je m'appelle Paul Valéry. Mettons.
Pourquoi notre narrateur décide-t-il de partager le destin de cet homme rencontré une fin d'après-midi ? C'est en dénouant le mystère des
Cinq heures du soir qu'il résoudra celui de l'étrange Monsieur V, l'inconnu de la Bibliothèque nationale qui disait se nommer Paul Valéry, poète et académicien mort en 1945, donc physiologiquement inapte à discuter sur un pont enjambant la Seine dans ces années du XXe siècle finissant.