Depuis des décennies, les pouvoirs publics français s'efforcent
de «réformer» l'hôpital, afin notamment d'en mieux «maîtriser»
les dépenses. Ils ont de plus en plus recours aux outils du «nouveau
management public», cet ensemble d'idées et de pratiques visant
à importer dans le secteur public les outils du secteur privé : indicateurs
de «performance», benchmarking, «responsabilisation»
des professionnels, etc. Ces innovations rencontrent l'opposition
d'une partie du personnel hospitalier, selon qui elles creuseraient
la tombe de notre système de protection sociale. À l'inverse, leurs
promoteurs dénoncent des résistances qui ne pourraient provenir
que d'une forme d'attachement à un passé révolu ou de corporatisme
; ces modernisations permettraient au contraire de sauver un
système bien mal en point. En quoi consistent donc réellement ces
réformes managériales et quels sont leurs effets sociaux ?
Pendant quatre ans, pour répondre à ces questions, l'auteur de
ce livre a mené une enquête approfondie dans des services de soin,
en particulier des services d'urgence, ainsi que dans une agence réformatrice
proche du ministère de la Santé et dans des cabinets de
conseil. Il a ainsi endossé différents rôles : stagiaire dans les services
administratifs des hôpitaux, étudiant de passage dans les services
de soin, étudiant en gestion ou consultant junior auprès des réformateurs...
Au travers d'observations directes, de l'exploitation inédite
de données statistiques et d'une centaine d'entretiens, il livre
ici une vision originale des processus à l'oeuvre dans les hôpitaux. Il
montre notamment que l'appropriation par les soignants des nouvelles
normes préconisées par les réformateurs dépend beaucoup
de la trajectoire professionnelle et sociale de chacun d'eux. Et il
révèle quelques effets inattendus des réformes, dans un des services
hospitaliers parmi les plus «avancés» sur leur voie.