Quelle fresque... Dans le Paris le plus populaire des années 20, au long du canal Saint-Martin, avec ses suicidés, ses ivrognes, ses camionneurs, l'hôtel concentre dans ses étages toute la misère ouvrière.
Chaque chapitre est comme une miniature où se détache en gros plan, à la Daumier, l'ombre inquiétante d'une humanité malade. Chacun a son parler, son histoire, ses objets, ses secrets. Accouchements, dénuement, syndicalisme et politique, tout vient s'agglutiner dans la gigantesque lampe.
Une large claque dans cette alliance si mystérieuse de la littérature populaire et d'une vision aiguë du monde. L'histoire d'un bâtiment : les Lecouvreur quand ils reprennent le bail, trouvent en cela comme leur gloire et leur destin, jusqu'à démolition finale. En filigrane, la patronne de l'hôtel, Louise Recouvreur, comme rachetant cette loi terrible qui fait des victimes leurs propres bourreaux, et les femmes toujours perdantes à ce jeu.
Il suffit d'ouvrir la porte de l'hôtel du Nord, se laisser prendre par les voix. On a respecté au plus près les graphies et l'étonnant système de ponctuation qu'Eugène Dabit met au point pour le concert des voix, la découpe des visages.
Que l'immense succès de "L'hôtel du Nord" est dû à ce qu'un jeune artiste prenne régulièrement le rôle de portier de nuit dans le propre hôtel que tiennent ses parents rue Jemmapes ? De l'onde de choc de ce livre, Céline naîtra tout armé.
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