Sans soutien des partis, sans pub, sans hiérarchie, Libération naît de
l'ivresse de ses deux créateurs, Jean-Claude Vernier et Jean-René
Huleu, en avril 1973. En une, cet appel : «Peuple, prends la parole et
garde-la !» Signé, entre autres, par Foucault, Chevènement, Gainsbourg,
Sollers, Moustaki et Jean-Paul Sartre...
Au prix de 0,50 franc, la «feuille de chou», six ans plus tard, aura
convaincu 40 000 lecteurs chaque jour. Feuilleter les premiers Libé,
c'est retrouver les exaspérations, les révoltes, les utopies de Mai 68,
les présidents Pompidou et Giscard, Georges Marchais, Michel Debré
affublé d'un entonnoir. Bernard Blier y confie son goût de Molière, Marin
Karmitz raille les «petits-bourgeois de la Nouvelle Vague récupérés par
le système» ; Guy Hocquenghem déplore - déjà... - que le mariage gay
ne fasse qu'entériner la structure du couple, la famille, Jaubert salue la
première de Lulu d'Alban Berg à l'Opéra, tandis que Pacadis prend le thé
chez Karl Lagerfeld.
Comptant parmi les quatorze fondateurs de la SARL Libération en 1974,
Alain Dugrand livre ici un récit tissé de mille anecdotes, de portraits,
de traits et de situations qui rendent un bel hommage aux talents fous
de celles et ceux qui inventèrent Libé.