Le promeneur se sent plus léger quand il prend
conscience de laisser derrière lui ses contraintes et ses
tracas. Son coeur devient tout à coup joyeux, son pas
sautillant. À vrai dire, tout - fleur, ville, ciel ou rivière,
animés ou inanimés - est susceptible de paraître ce qu'on
appelle beau à ses yeux, à son ouïe, à sa mémoire. Ou, du
moins, beaucoup plus beau que d'habitude quelle que soit
l'heure, quel que soit le lieu.
Ce phénomène d'embellissement et de poétisation du
monde perceptible n'est pas principalement dû au fait
qu'il aurait bénéficié d'une éducation spéciale ; ni ne
provient du goût et, pas davantage, du bon goût qui,
scolairement, serait le sien. Non, je crois qu'il se rattache
directement à la griserie psycho-corporelle que le promeneur
éprouve lorsqu'il s'échappe dans l'espace et dans le
temps, lorsqu'il fait l'expérience immédiate de la liberté.
Joël Cornuault