L'essentiel du catholicisme n'est pas - dans la perspective du présent essai - un contenu doctrinal spécifique quelconque ; c'est une forme du sentir, une méthode qui se base sur l'expérience d'une « participation détachée » qui permet d'une part d'acquérir un équilibre individuel et d'autre part d'agir efficacement dans le monde. Une telle méthode a trouvé sa formulation la plus claire dans les Ricordi de Francesco Guicciardini et dans les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola. Ayant vécu à l'époque qui a précédé la rupture définitive avec le protestantisme, ils possèdaient un sentiment profond de l'universalité du catholicisme et de sa capacité à élaborer des dispositifs culturels susceptibles d'une application générale. Cependant, cette expérience du détachement de soi-même et du monde qui est au centre du sentir catholique a été refoulée dans la première moitié du XIXe siècle par le dogmatisme idéologique dans lequel l'Eglise s'est refermée pour affronter ses ennemis. À partir de ce moment, ce sont surtout des écrivains, des artistes sans aucun lien avec une confession quelconque (comme Robert Musil et Clarice Lispector) qui ont interprété le « sentir » catholique et qui l'ont développé de manière autonome.