Les lecteurs de langue française viennent seulement de découvrir - ou, dans le meilleur des cas, de redécouvrir - cet humoriste nostalgique, grand voyageur sous le ciel, alors que Graham Greene, il y a plus de trente ans de cela, lançait déjà cet avertissement : «Norman Lewis ? A mes yeux l'un des meilleurs écrivains du siècle.» Opinion reprise, depuis, par quelques passants qui savent ce dont ils parlent : Bruce Chatwin, Paul Theroux, Nicolas Bouvier. Le succès des quatre titres récemment mis (ou remis) au jour par les Editions Phébus (Torre del Mar, Le Chant de la mer, Naples 44. Comme à la guerre) montre assez que notre époque attendait cette œuvre - où un homme ne cesse de s'étonner de la propension de ses congénères à détruire, au nom d'un progrès qu'ils n'arrivent pas à maîtriser, les lieux d'un art de vivre qu'ils avaient mis des siècles à créer, à raffiner.
Chronique désenchantée d'une petite île des Canaries au lendemain de la guerre, où la population, jusqu'ici épargnée par les démons de l'époque, découvre soudain les tentations de la modernité, L'île aux chimères (1963 - jamais réédité depuis) est l'un des romans les plus tristes, et les plus drôles, de N. Lewis.