Lors de la préparation du tournage du documentaire L'île des femmes, Cécile Canut demande à Isalina Jassira Pinto, alias Já, de devenir l'actrice principale du film au cours duquel cette dernière décrira son aventure par écrit. Ces textes retravaillés ensemble constitueront la matière de la voix off du film tout autant qu'ils apparaîtront à l'image, en train de s'écrire. Quelques mois plus tard, alors que e film est terminé, ce livre se présente comme un dialogue d'écriture décalé dans le temps, entre la réalisatrice et l'écriture de Já devenue, dans l'intervalle, matière cinématographique. Au-delà des moments exceptionnels partagés entre les deux femmes tout au long du tournage sur l'île de Santiago, il s'est agi pour Cécile Canut de faire intervenir une multitude de voix de femmes croisées en chemin, et notamment des batukaderas. Ces femmes paradas - « arrêtées » - comme elles se nomment, celles qui n'ont pas pu partir à l'étranger, tentent de construire eur vie malgré les difficultés. Elles ne comptent plus sur les hommes depuis longtemps. Par contre, elles se sont réapproprié une pratique inventée par les esclaves : le batuku. Le batuku fait partie des formes musicales les plus anciennes de l'île de Santiago. Caractérisé par un rythme euphorique, des mouvements saccadés du corps, une orchestration basée sur les voix et les percussions, il est devenu essentiellement féminin : les femmes chantent des textes où il est question de leur vie quotidienne, des difficultés de la vie de couple, ou de la séparation. Si elles sont les immobiles, leur vie prend sens à travers cette formidable expression de leur personnalité, tout à la fois çathartique et revendicatrice.
À la suite du film, ce livre revient sur la rencontre de ces femmes-hommes (ainsi qu'elles se nomment elles-mêmes), en démultipliant les voix d'une expérience intense.