Si vous n'aimez ni la mer, ni la montagne, ni la campagne,
ça tombe bien : l'Île du Cundeamor ne se passe nulle part. Si,
malgré la mode de la world-littérature, vous résistez à vous
apitoyer consciencieusement sur le sort de ces bons sauvages
crevant de faim, de guerre, de dictature ou d'acculturation, ça
tombe encore mieux : voilà un Cubain de l'exil pour qui l'exil
est matière à poétique plutôt qu'à bons sentiments. (...) Cette île
mystérieuse où la tante Ulalume règne sur un panier de crabes-malfrats
(...) se situe (...) théoriquement au large de
Miami Beach. Outre qu'il utilise à peu près toutes les situations
narratives imaginables (jusqu'à se déposséder des son
livre, dont on apprendra in extremis quel en est l'auteur !),
[Vázquez-Díaz] mélange tous les genres, avec une préférence
marquée pour le feuilleton mélo. De temps en temps les personnages
se mettent à parler aussi comme des livres, d'histoire
ou de médecine (...). Enfin, Vázquez-Díaz se joue des clichés
de la littérature sud-américaine, en rajoute dans l'érotico-moite
et la plante grasse. Mais s'il n'est dans l'Île du
Cundeamor finalement question que d'amours, de cocufiages,
de meurtres et de roses couleur de sang, le tout dans un style
à faire pâlir d'envie une pub pour les infusions saveurs du
soir, c'est que le cul et la politique sont ici inséparables :
«Tout le monde m'a trahie», résume dès le début Betty Boop,
désignant les cibles du livres : «Fidel Castro, Kennedy, mes
amants.»
Éric Loret, Purée de Morue, Libération, 13 novembre 1997.