L'illusion de l'arbitraire du signe
La linguistique contemporaine, dans son immense majorité, admet comme une évidence le principe selon lequel la relation de la forme (« le signifiant ») au sens (« le signifié ») est arbitraire. Ce choix théorique repose sur une illusion fondée sur une certaine conception de la langue, selon laquelle l'unité significative privilégiée est le morphème (on ne voit effectivement pas de motivation naturelle à désigner spécialement par le mot nez cet appendice bien connu).
Cet ouvrage démontre que l'élément minimal significatif est en réalité le trait phonétique, composante du phonème (lui-même constituant du morphème), lequel, en tant que propriété articulatoire, établit un lien naturel (donc non arbitraire) avec le signifié : ainsi, le mot nez et tous ceux qui concernent cet appendice comportent-ils le trait [nasal] et ce non seulement en français mais aussi dans la plupart des autres langues, sans qu'un lien typologique entre elles puisse être invoqué.
Là gît l'innovation de la théorie défendue ici : l'hypothèse (démontrée empiriquement) que le trait phonétique est pertinent pour représenter la structuration lexicale. Ainsi émerge un nouveau paradigme au sein des sciences du langage, fondé sur le postulat que les formes n'ont rien d'arbitraire relativement aux significations.