L'homme ne peut élaborer ses outils mentaux
qu'à partir de structures sociales et économiques
préexistantes. Ainsi, si l'imaginaire a pour
fonction initiale de contourner la réalité, c'est
aussi par le même processus réflexif que le réel
envahit et limite à son tour l'imaginaire. A la
Renaissance l'imaginaire se conçoit souvent
comme une alternative au réel et vise à souligner
les différences ; mais cet imaginaire n'est lui-même
concevable qu'à partir d'une pratique
ancrée dans l'expérience matérielle du quotidien,
et plus particulièrement dans ce qui forme
l'activité essentielle de l'homme : le travail et la
production.
Avec le nouvel ordre économique né à la
Renaissance, le texte devient une marchandise
parmi d'autres ; à son tour objet de plus-value et
instrument d'aliénation. La préface est désormais
le marché où s'écrit un contrat et où s'opère une
transaction entre l'auteur et le lecteur. Ce livre
recense et analyse les images et métaphores
commerciales, comptables et bancaires qui
envahissent la littérature de la Renaissance
française.
Qu'il s'agisse de valeur, d'échange, d'écriture
comptable, de labeur, d'accumulation ou de
consommation, les grands textes du XVIe siècle
passent inévitablement par l'imaginaire économique.
Rabelais, Marot, Du Bellay, Ronsard, Du Bartas et
Montaigne n'échappent pas à cette emprise de
l'économique qui inconsciemment influence leur
production et définit le nouveau statut de l'écrivain.
Quelle meilleure façon d'étudier l'imaginaire
économique à l'oeuvre que de se pencher sur un
texte littéraire, véritable imagination au travail ?