C'est l'emploi commun de l'adjectif «malsain» pour qualifier aussi bien des romans,
des films que des jeux vidéos, autrement dit c'est la question de leur réception, qui a
conduit l'auteur de L'Imagination malsaine à s'interroger sur la pertinence de cette métaphore
médicale, sur la manière dont ce jugement est établi, les raisons qui poussent le sujet
à «consommer» des fictions au contenu scabreux et la possibilité de distinguer l'art du symptôme.
En partant d'une étude approfondie de l'adjectif, l'auteur définit le malsain à la fois
comme une relation de transmission donnant lieu à une esthétique dans laquelle la métaphore
a partie liée avec la métonymie, mais aussi comme une valeur subjective prononcée
par un sujet ou une loi. À partir d'un corpus composé d'oeuvres des écrivains Russell
Banks, Raymond Carver et Bret Easton Ellis, et des cinéastes David Cronenberg et David
Lynch, l'auteur, qui s'appuie sur les écrits de Judith Butler et Foucault, Freud et Lacan, Ricoeur
et Charles Taylor, Clément Rosset et Jean-Marie Schaeffer, arrive à la conclusion que le malsain,
en raison de son caractère discursif, est effectivement une métonymie qui relève d'une
forme d'inquiétante étrangeté. Ces oeuvres thématisent et conditionnent donc leurs propres
réceptions en instaurant un dialogue ambigu entre le diégétique et l'esthétique, mettant
ainsi en place une fonction heuristique qui en fait de véritables «laboratoires du jugement
moral» (selon l'expression de Ricoeur) pour le lecteur/spectateur, mais aussi des fictions
ludiques l'incitant à mieux lire, c'est-à-dire à se méfier des signes.