" On avait regardé, horrifiés, les cristaux mous submerger le pont et les camarades sauter à la mer sans même attendre la fin, gelés par dizaines. Ce jour-là, la glace avait chanté fort pour eux.
À présent, elle chantait aussi, alors que notre propre bâtiment, l’Awesome Pride, prenait de la vitesse, porté par le Flux. La glace, on la voyait ruisseler comme de l’eau sur de la pierre noire – le véritable océan. Ce que j’aurais voulu le retrouver, lui. Elle, j’essayais de pas l’écouter, mais ce glouglou apaisant, tranquille, libérait une note bleue, obsédante, qui me faisait mal à la tête, comme quand on boit trop froid."
Ils sont venus sauver leur future reine, captive d'un bâtiment ennemi. Ils attendent. À la noirceur des flots répond celle du cœur des hommes, prisonniers du Flux et de la glace. Les navires, immobiles, se toisent, se surveillent. Le temps s'écoule là où l'océan s'est arrêté, saisi par l'angoisse et la froidure des jours. Oui, des jours, des semaines à mener une bataille silencieuse, à se préparer au pire, à l'impensable. Et puis soudain, forcément, la guerre éclate.
Version augmentée et encore inédite d'une novella de Lionel Davoust, parue initialement dans l'anthologie 2009 des Imaginales. Une magnifique occasion de découvrir (ou de redécouvrir) ce texte aux sonorités hors du commun.