Le président des États-Unis serait l'homme – ou la femme – le plus puissant de la planète. Cette perception commune, sans cesse alimentée par les productions d'Hollywood, n'en est pas moins fausse. Contraint par les multiples obstacles des checks and balances constitutionnels, le président doit notamment faire face au Législatif le plus puissant et le plus autonome du monde. La séparation des pouvoirs a en effet permis au Congrès de se construire comme un partenaire indomptable, et souvent capricieux, de la Présidence sans que celle-ci ne puisse intervenir. Le contrôle législatif ainsi créé et protégé repose en particulier – c'est là l'argument central de cet ouvrage – sur la chambre haute, le Sénat, qui dispose en son sein de multiples ressources procédurales lui permettant de bloquer les initiatives présidentielles. Le filibuster, la possibilité laissée à un seul sénateur de s'exprimer sans interruption et sans autre limite que celle de sa résistance physique, en est l'exemple le plus célèbre. Au pays de la séparation des pouvoirs, il existe ainsi un contrôle politique direct, souvent brutal, qui s'exerce en permanence sur l'Exécutif, reléguant le président, dans le meilleur des cas, à un statut d'habile négociateur, bien loin de l'image de héraut du monde libre. En mobilisant le droit constitutionnel, l'histoire et la science politique, cet essai se propose de mettre en relief les modalités d'action du Congrès, et notamment du Sénat, pour souligner que la Présidence impériale est au contraire, pour reprendre le mot de Gerald Ford, bien souvent en péril.