«La lune est pleine, ils se couchent, le
bouquet de roses monté par la nourrice capte la clarté
du soir, c'est une veilleuse douce près de la fenêtre. Il se
love dans la gouttière entre leurs flancs, c'est tendre au
toucher comme le sillon qui ourle la lèvre sous le nez.
Leurs mains câlines glissent sur son ventre, sur ses bras.
Ladis lui murmure à l'oreille des tendresses en
polonais, sa mère le mordille de partout. Il s'abandonne
aux délices des caresses. Il lutte cette fois contre le
sommeil. Il garde les yeux grands ouverts et se met à
parler, le son de sa voix le tient éveillé.»
Avec beaucoup de calme, une tenue sans raideur, Philippe
Mezescaze explore une sensualité gracieuse et grave,
s'insinue dans des plis de mystère enfantin et, bien que
l'anecdote n'ait rien à voir, ni même la lumière, ici plus
diurne, la seule référence qui me soit venue à l'esprit en lisant
ce livre, c'est, pour son innocence et sa ruse, La Nuit du
chasseur, le film de Charles Laughton.
Emmanuel Carrère