Le texte est cet objet que nous croyons fermement connaître et
sur lequel nous aurions beaucoup à dire. À y regarder de plus près, nous
n'en disons pas la même chose. Poser la question dans sa forme la plus
épurée - «qu'est-ce qu'un texte ?» - voilà que des réponses diverses
fusent, certaines conformes notamment aux attentes scolaires, d'autres
plus délicates à ranger dans les tiroirs de l'interprétation. En effet,
lorsque cette question est proposée à des lycéens issus des milieux
populaires, les réponses ouvrent à une complexité qui ne peut manquer
de nous interpeller. L'écart transgressif ainsi constaté ne livre aucune
des réponses attendues. Il constitue dès lors l'origine de notre recherche.
Poser la relation, le rapport au texte, c'est tenter de contourner les obstacles
dressés par des représentations sociales instituant comme autant
d'évidences ce qui relèverait d'un construit sociétal. «Disputer» d'un
texte ou plus encore du texte n'est souvent admis que des seuls détenteurs
d'une culture affirmée de l'écrit.
La problématique s'articule autour du rapport au texte, de la
nécessaire réflexivité vers laquelle tend peu ou prou tout apprentissage.
Lorsqu'il s'agit des milieux populaires la mise en oeuvre de cette mise à
distance devant le texte dépend, pour l'essentiel, de l'école et de ce qui
s'y construit ou non. Parallèlement s'est élaboré un langage formel puisant
dans la linguistique, l'énonciation, la pragmatique, la typologie textuelle,
la communication, la critique littéraire, etc. et dont l'objectif
affirmé est toujours d'offrir autant d'outils vers cette réflexivité recherchée
au regard de la langue, du texte enfin.
En quoi ce langage formel, porteur de réflexivité, a modifié ou
non le rapport au texte des élèves issus majoritairement des milieux
populaires ? C'est la question à laquelle cet ouvrage tente de répondre.