«Il faut un commencement à tout», dit la sagesse
populaire, et elle ne doute pas que les commencements
existent et qu'on peut les appréhender sans
peine. Pierre Gibert impose ici une évidence exactement
contraire : les commencements échappent
à la conscience comme à la reconstitution. Que ce
soit en psychanalyse, en histoire, en physique, en
littérature, en religion..., toujours les commencements
sont racontés, décrits, déclarés et interprétés après
coup. Et puisqu'il faut bien parler des débuts,
les hommes ont inventé des moyens littéraires :
«Il était une fois...», «En ce temps-là...», «Au
commencement...» et bien d'autres «ouvertures» ;
mais surtout ils ont créé des mythes et des récits
«de commencement», dont les premiers chapitres
de la Bible sont, dans la culture occidentale, le texte
emblématique. Ce ne sont pas des récits neutres :
leur fonction idéologique, doctrinale, philosophique,
biographique et autobiographique est immense.
En tout cas, après ce livre, on ne pourra plus dire
comme Racine dans Les Plaideurs : «Ce que je sais
le mieux, c'est mon commencement» !