Pourquoi enregistrer avec un appareil doté d'une caméra une manifestation contre un régime autoritaire, et pourquoi le faire parfois au péril de sa vie ? Que deviennent les images et les sons de ces luttes une fois qu'ils circulent sur des plateformes en ligne, quand ils ne sont pas supprimés par les gouvernants qui y voient un danger contre l'arbitraire de leur pouvoir ? Que peut le cinéma face à ce matériau visuel et sonore ne lui appartenant pas, qui à la fois lui résiste et l'inspire, s'il souhaite constituer une archive filmée des révoltes de notre présent ? Les vidéos réalisées par les protagonistes des soulèvements arabes de l'année 2011 forment le point de départ et composent la matière première de ce livre. Elles portent témoignage d'une histoire contemporaine tourmentée, mais elles engagent aussi bien, de manière dynamique, un avenir de ces soulèvements, quelles que soient les actions contre-révolutionnaires des États ou les stratégies de propagande audiovisuelle qui viennent recouvrir leurs puissances de contestation. Il ne s'agit pas seulement d'en appeler à une nouvelle résistance qui trouverait dans les images animées un vecteur privilégié pour représenter un peuple en colère. Il s'agit aussi de considérer comment celles-ci persévèrent dans le temps et contribuent à une insistance des luttes dont l'une des qualités est précisément de survenir là où on ne les attend pas.
Cette seconde édition s'accompagne d'une préface du critique américain J. Hoberman. Elle présente également un avant-propos inédit qui revient sur cette notion d'insistance au regard des images d'une actualité brûlante - de l'Ukraine à la Palestine en passant par le Soudan -, où le désir de liberté se heurte à des forces qui lui sont de plus en plus hostiles.