De toute ma carrière d'écrivain, je n'ai jamais ressenti une telle tension de bonheur en préparant un ouvrage. Et de tous mes personnages, c'est Créüse qui m'a inspiré le plus de compassion. Magda Szabó
Quand Magda Szabó évoquait
L'Instant, elle en parlait comme d'une bombe . Porté durant plus de soixante ans, abandonné puis repris au gré des tourmentes que connut son pays, la Hongrie, le roman parut à la fin de l'année 1989, à l'heure où tombait le Mur.
Avec cette réécriture de
L'Énéide de Virgile, Magda Szabó se livre à une réflexion sur ce que sont les mythes et les héros. Chez Virgile, Créüse, la femme d'Énée, est condamnée par les dieux à mourir avant même que ne s'ouvre l'épopée. Ici, elle récuse cette sentence. À l'instant où cela est possible, l'épouse usurpe l'identité de son mari et s'octroie d'accomplir le destin de ce dernier, mort à sa place, mais également le sien propre. Cela, bien sûr, avec la complicité facétieuse de l'auteur, qui n'hésite pas à faire appel, entre autres, à une déesse soi-disant oubliée, Èchiès, l'exquise soeur jumelle d'Aphrodite.
Ludique, singulier, virtuose,
L'Instant, rend presque palpable le mystère de l'écriture. Le lecteur demeure ébloui par la manière dont Magda Szabó utilise et détourne l'œuvre originelle, qu'elle connaît dans ces moindres respirations.