Dans l'ordre démocratique-policier, les communautés
humaines sont rassemblées sous le commandement de
ceux qui ont des titres à commander, titres prouvés par le
fait qu'ils commandent. La politique est précisément la
rupture de cet ordre-là. L'Instant d'après survient sur les
traces immédiates de cette rupture. C'est l'instant décisif
où se décide si, une fois de plus, elle va aboutir au désaccord
entre le dire et le faire, ou si au contraire elle va
permettre l'émergence de nouvelles formes de vie.
Il ne s'agit pas de proposer de nouvelles théories politiques,
encore moins des systèmes d'organisation. Il s'agit
plutôt de montrer comment sortir des oasis, de ces refuges
dans notre fuite, que sont aussi bien la création d'une
oeuvre, la «réalisation de soi» ou l'action militante. Car
«beaucoup de ceux qui ont regardé les événements de
novembre 2005 ont d'abord éprouvé l'absence d'un espace
politique à la hauteur de ces événements. (...) C'est à eux,
justement, les êtres les plus quelconques, plus ou moins
perdus dans leurs études et leurs métiers, c'est à eux qu'il
revient de faire en sorte que de l'imprévisible, et donc du
réellement menaçant, ait lieu».
En donnant un sens nouveau à des notions anciennes
-l'éthique, le messianisme, le jeu- en convoquant là où
elles sont peu attendues de grandes figures philosophiques
-Kierkegaard, Wittgenstein- Bernard Aspe explore le sable
du désert autour des oasis où nous attendons l'instant
d'après. «Sur le sable, il y a aussi des marques laissées
pas d'autres. Ambivalence des empreintes : elles peuvent
nous livrer à la police, mais elles sont aussi la preuve que
nous ne sommes pas seuls.»