Plus que l'intégration, avec les paradoxes et les effets pervers qui s'y attachent, la
maison Dagobert défend un parti pris de non-exclusion. Dans cette halte-garderie,
un enfant sur trois est handicapé, quelle que soit la gravité de son handicap. La
seule condition d'admission est que l'enfant soit pris en charge par une équipe spécialisée,
car la maison Dagobert est un lieu d'accueil et non de soin même si les
effets thérapeutiques sont manifestes.
Dans ce lieu l'enfant n'a pas à fournir de preuves de son adaptabilité à l'institution.
C'est l'institution qui doit s'adapter à l'enfant. Il s'agit d'un lieu où on n'enferme
pas immédiatement dans un discours, des images, des représentations, des
évaluations, des projets pédagogiques. Un lieu où les parents épuisés peuvent
confier leur enfant sans avoir à expliquer, justifier, raconter. Un lieu où les équipes
spécialisées adressent les enfants sur simple coup de téléphone, sans dossier à remplir,
sans réunions préparatoires. Un lieu où les enfants passent un temps sans souci
de progrès ni de performance. Un lieu où il n'est pas besoin de décliner son identité.
Un lieu pour les «sans papiers» de la petite enfance. Un lieu pour être. Un lieu
sans conditions.
Avec finesse et émotion, les auteurs présentent et analysent cette expérience originale,
riche d'enseignements applicables dans d'autres secteurs que la petite
enfance. Elles apportent des éléments précieux dans le débat actuel sur l'intégration
et l'exclusion mais aussi une contribution novatrice à une réflexion sur l'identité, la
différence, la ressemblance et l'altérité. Une utopie peut-être ? Elles montrent avec
force dans quelles conditions l'utopie peut être réalisable et vécue au quotidien.