En juin 1997, après un quart de siècle de péripéties, l'écologisme français semble toucher au but. D'une nébuleuse d'associations et de mouvements sociaux a peu à peu émergé un courant politique qui, après maints échecs électoraux, parvient à participer, en tant que tel, au pouvoir législatif et exécutif.
Cette apparence est toutefois trompeuse. Ne s'agit-il pas là d'une victoire a la Pyrrhus ? Sous la plage, les pavés pourrait-on écrire en inversant la formule des manifestants de Mai 68 Sous la plage de l'apparente victoire, les pavés des problèmes non résolus et des difficultés à venir. C'est que, paradoxalement, la participation des Verts au pouvoir intervient à un moment de grande faiblesse de l'écologisme, masque sa fragilité et ses déficiences structurelles persistantes et s'effectue au prix d'un considérable réajustement à la baisse de ses ambitions.
L'écologisme est né avec l'ambition de devenir un acteur autonome, d'incarner «la politique de demain», de supplanter les autre partis, de subvertir le clivage gauche-droite et les hiérarchies, de détruire l'Etat, le champ politique, la technocratie. Sur tous ces points les écologistes ont clairement manqué leur pari. Loin de supplanter ces acteurs et ces pratiques, ils en sont devenus les supplétifs. De supplanter à suppléer : l'écart entre l'ambition onginelle et la situation actuelle réside dans la différence de sens entre ces deux mots.
Pourquoi l'écologisme ne progresse-t-il pas en tant que force politique autonome en France ? Pourquoi ses résultats électoraux restent-ils inférieurs à ceux d'il y a une dizaine d'années ? Pourquoi, à la différence de la situation existante dans nombre de pays voisins, demeure-t-il aussi faible, aussi peu représenté dans les Assemblées, aussi instable dans son expression électorale, aussi peu organisé, aussi divisé ?
Le but de cet ouvrage est de tenter de comprendre et d'expliquer cette spécificité qui participe peut-être de l'exception française.