L'extérieur d'une cathédrale, a écrit John Ruskin
dans La Bible d'Amiens, est semblable à "l'envers
d'une étoffe qui vous aide à comprendre comment
les fils produisent le dessin tissé ou brodé du
dessus". C'est sans doute le fil d'Ariane qui soustend
le roman de Marta Morazzoni. Alternant, dans
les chapitres impairs, la création, par une reine et
trois cents brodeuses, de la tapisserie de Bayeux,
chef-d'oeuvre anonyme du Moyen Age et, dans
les chapitres pairs, la visite - sans doute la dernière
- de John Ruskin à la cathédrale d'Amiens,
l'auteur construit une trame faite de subtiles
correspondances. A côté de la reine et du critique,
deux personnages secondaires, silencieux et
pourtant essentiels, veillent et agissent : George,
le domestique de Ruskin, et Anne Elisabeth, une
Amiénoise, brodeuse de talent.
L'Histoire devient ici roman car, si l'"on peut
imaginer des choses fausses, (...) seule la vérité
peut être inventée".
Réflexion sur l'exigence de beauté, métaphore
de la création, ce roman de Marta Morazzoni, qui
évoque les mythes de Pénélope et d'Arachné, nous
invite à pénétrer une langue secrète et enchanteresse,
limpide et mystérieuse, à l'image de celle de
la célèbre broderie.