Instruire les filles ? À quoi bon ? Il faut se méfier de cette « engeance pire que le démon », dont l'intervention dérègle le cours des choses, comme l'affirmait Fénelon. Certes, les filles de la « société » méritent quelques égards, mais les filles pauvres restent quantité négligeable et le « giron maternel » leur suffit bien.
Dès le début du XVIIe siècle, cependant, les pratiques vont au-delà de ces discours traditionnellement hostiles aux femmes. Sous la pression des protestants, de nombreuses initiatives, le plus souvent féminines, prennent en charge - d'abord à la ville, puis à la campagne - l'alphabétisation des petites filles issues des milieux populaires. Les élèves sont tantôt réunies par une femme dans le coin d'une maison, sous un préau, dans un jardin, au bord de l'eau, tantôt regroupées dans l'enceinte d'un couvent - par exemple, chez les Ursulines ou les Chanoinesses de Saint-Augustin.
Angèle de Merici, Françoise de Bermont, Louise de Marillac, Alix Le Clerc... Michel Fiévet brosse ici le portrait de ces grandes figures à l'origine des mouvements spontanés qui, pendant plus d'un siècle, se donnèrent pour tâche - contre l'opinion dominante - d'enseigner toutes les filles. Il évoque avec passion et érudition ces « spirituelles inconnues », ces « Amazones de Dieu », dont l'audace rendit possible une folle entreprise éducative.