Nous vivons la crise de l'Etat-nation.
L'indépendance d'un peuple passe, plus que jamais, par la création d'un Etat-nation qui lui garantisse souveraineté et sécurité. Pourtant, cette forme politique moderne, telle que la définit la Révolution française par l'étroitesse du lien entre l'Etat, le territoire, la langue et la volonté de vivre ensemble une identité commune sécularisée, est partout contestée. Ainsi, à l'est de l'Europe, par la division en une myriade de petites nations qui exacerbent leurs particularismes - confession religieuse, langue, voire fantasmagorie de la race ; à l'ouest, par de multiples flux transnationaux - politiques, démographiques, culturels.
Pour comprendre les ébranlements du présent, l'expérience des Juifs dans l'Europe du XIXe et du XXe siècle est éclairante. La normalisation de leur situation d'apatridie essentielle passait par l'invention d'un Etat-nation, donc la résolution de questions brûlantes : le choix d'un territoire, la détermination de la langue, l'établissement d'un rapport du politique à la tradition religieuse, la définition des identités communautaires, sociales et nationales. Le sionisme, dans sa volonté de fonder la nation juive, a lié ces éléments constitutifs dont la crise actuelle montre le possible délitement.
On ne découvrira pas ici un livre de plus sur les Juifs tels qu'en eux-mêmes, mais une réflexion tout à fait neuve sur ce que le sionisme éclaire de l'émergence de notre politique moderne.