Liquide est celui qui ne s'est jamais vu rien faire d'autre que de
bien remplir comme des récipients les rôles successifs imposés par
la vie. Jusqu'à ce qu'enfin celle-ci déborde, dans le flux d'un récit
sans personne, puis s'asséchant laisse apparaître le secret toujours
tu, toujours su.
«Elle ne venait plus sous la douche.
Ce temps pendant lequel il fallait l'attendre, patiemment,
impatiemment ; au bout duquel elle finissait par arriver, assouvissement
aigu du désir irrité jusqu'à la peine sous le fouet continu de la douche ;
ce temps forcément avait crû, de semaine en semaine, dans la nécessité
de l'énervante incertitude ainsi maintenue ;
toujours un peu plus long, un peu plus long, jusqu'à confondre la douche
avec une interminable et rêveuse saison des pluies, et l'oublier, l'oublier
peut-être elle aussi, le glissant désir rincé disparu par le rond obscur de
l'évacuation.»
Pas bien sûr d'être un, dubitatif quant à la mention «Du même auteur»
qui commence à accompagner ses écrits, Philippe Annocque répond
cependant quand on l'appelle par son nom, par souci de commodité. Il
écrit des livres qui lui ressemblent sans pour autant se ressembler entre
eux : disparates et convergents, nés de la question de l'identité.