Le normalien Tran Duc Thao (1917-1993), ne fut pas seulement le premier
agrégé de philosophie vietnamien, il a aussi été un des premiers en
France à traverser toute la pensée de Husserl, jusqu'à ses zones les moins
fréquentées. Il campe un Husserl entier, pris dans toutes les ramifications de sa
réflexion. La physionomie de ce qu'est Husserl pour nous, aujourd'hui, dépend
encore largement de la synthèse qu'il a effectuée. En même temps on ne saurait
le comprendre sans tenir compte du passage entre cultures qu'il incarne, de sa
langue maternelle vietnamienne, de son effort pour trouver une solution de
continuité entre la phénoménologie et ce qu'il considère comme l'outil essentiel
dans les luttes anticoloniales, à savoir une forme personnelle de marxisme.
Au moment où son ouvrage sur la phénoménologie husserlienne, version étendue
d'un mémoire présenté à Jean Cavaillès, paraît chez un éditeur confidentiel en
1951, son intérêt s'est déplacé vers le Vietnam et les mouvements annonciateurs
des luttes pour l'indépendance en Indochine. Tran Duc Thao qui, d'Althusser à
Derrida en passant par Kojève ou Sartre, a marqué tant de philosophes de l'après-guerre
a également été un des premiers intellectuels du Vietnam indépendant.