S'il est une notion qui a hanté l'histoire de la tragédie et du théâtre dans
son ensemble depuis Aristote, c'est bien celle de catharsis - processus
de «purgation» dont la nature, l'efficacité et la légitimité n'ont cessé
de faire problème. On a essayé de ressaisir, en cette enquête collective,
toute une constellation d'interprétations, de débats et d'enjeux qui lui
furent associés, au confluent de multiples paradigmes (esthétiques,
médicaux, moraux, religieux, politiques...). Plus largement, on a voulu
suivre certains questionnements majeurs relatifs aux pouvoirs thérapeutiques
de la littérature, d'un genre à l'autre, d'un moment à l'autre ; et,
sans s'en tenir à la poétique du théâtre, éclairer les métamorphoses de
la catharsis dans d'autres types d'expérience et de savoir. Ce parcours
pluridisciplinaire conduit notamment de l'ère des philologues de la
Renaissance italienne à ceux qui, en Allemagne, ont nourri la naissance
de la psychanalyse, des discours critiques relatifs à la tragédie classique,
ou au drame romantique, à l'univers des littératures de la violence
extrême et du génocide.
Qu'en est-il aujourd'hui de la catharsis et des divers usages qu'on peut en
faire ? En nous plongeant au coeur même des rapports entre émotions,
cognition et jugement moral, l'antique notion de catharsis, sous des
espèces nouvelles, semble décidément avoir la vie dure : elle nous
attend encore bien souvent là où nous ne l'attendions plus.