Commynes connaît bien l'Italie : en 1478, il a effectué pour Louis XI une ambassade dans la Florence des Médicis ; par la suite, il a beaucoup fréquenté à la cour les émissaires transalpins, négociateurs avisés ; en 1494, alors qu'il atteint sa pleine maturité, il est envoyé à Venise par le roi Charles VIII.
De cette dernière aventure italienne témoignent les livres VII et VIII des Mémoires qui sont, certes, une chronique précise des années 1494-1495, mais aussi un approfondissement de la pensée politique de leur auteur. S'il reconnaît chez les grands princes les qualités essentielles du sens et de la vertu (c'est-à-dire de la fermeté dans l'action), Commynes met surtout en valeur ces professionnels du savoir politique que sont les conseillers et les ambassadeurs. Parce qu'ils font quotidiennement l'expérience des contraintes et des nécessités dans le feu des batailles ou à la table des pourparlers, ils incarnent l'intelligence qui convient à ce monde perçu - intuition novatrice - comme contingent.
Avant Machiavel, Commynes se livre à une analyse d'une lucidité prémonitoire : la question du politique n'est pas de savoir quel est le meilleur gouvernement possible, mais comment promouvoir une pratique de la politique fondée sur des compétences spécifiques.